dimanche 31 mai 2009

EPOUSSETER


15h, quatre appuis au sol…
Prendre conscience de son écorce, de son volume, de ses articulations, de la longueur de chaque membre, ne jamais quitter le sol…épouser le sol et l’épousseter.
"Sent" raciner dans le lieu.
L’espace devient réalité de chacun, pour tous. Gestes, déplacements, enroulés, coudes plaqués, pieds en volutes, talons qui roulent, cuisses poussées…tout s’ancre comme la couleur noire du tapis de scène qui recueille tous les endroits repérés.
La poussière secouée par le courant d’air joue dans le rayon de soleil, elle provoque la noirceur de la ville à vendre.
Nous voilà debout encouragés à adopter le geste de l’autre…
Les attachements de chacun semblent articulés à leur juste profondeur…
La posture type de l’un est partagée et le mouvement collectif s’établit sans se figer…en liberté voulue.
Les balbutiements osés...
(texte et photo : Anne)

samedi 30 mai 2009

EPHEMERE

Ce matin, ouvrant ma fenêtre aux rayons de soleil, j’ai vu se produire l’anodin que j’ai réappris à admirer. Une feuille d’arbre dansait avec un petit bout de papier au gré du vent qui les emportait, de ça de là, sans aucune ligne directrice apparente. Tantôt face à face, tantôt se touchant, parfois plus distants pour mieux se rapprocher : j’y voyais pourtant une véritable chorégraphie. La feuille était encore toute verte : à peine éclose, elle s’était déjà envolée au pays des vents, elle s’était déjà séparée de son tuteur et de ses congénères. Tel un papillon, elle volait sans se soucier de l’inéluctable imminence de la mort. Elle jouait avec le soleil tout autant qu’avec son acolyte …Ce vieux bout de papier rabougri, déteint par un soleil de plomb, était aminci par l’usure de l’usage.

Ce matin, je n’ai pas seulement vu ces deux feuilles danser ensemble, j’ai aussi remercié le soleil de m’avoir montré ce couple atypique. Je l’ai remercié d’illuminer de sa chaleur bienveillante cette métaphore de la vie. Il n’y a pas d’âge pour danser, il suffit que le soleil vous illumine, il suffit que le vent vous porte encore. Il n’y a pas de forme pour danser, il suffit d’un partenaire de jeu, voire d’un public. Il n’y a même peut-être pas besoin d’être humain pour danser. La danse spontanée de ces deux bouts de feuilles était aussi belle qu’indescriptible : elle n’était ni classique, ni contemporaine, ni moderne … Simplement, elle existait à mes yeux ébahis de tant de complicité entre deux oubliés de la vie : l’une rejetée de son placard électoral et l’autre de son arbre voisin.

L’arbre dansait aussi au gré du vent, mais sa danse était comme figée, sans cesse rappelée à l’ordre par la rigidité de ses branches. Il déployait ses ramées les unes après les autres, puis toutes ensembles dans un même geste : l’image faisait appel à tant d’acteurs, tant d’individualités niées par le bien-fondé du groupe, qu’elle en devenait presque symphonique. Le mouvement de ces deux petits bouts de feuilles était bien plus beau, bien plus libre, bien moins prévisible, bien plus heureux en somme.

Pourtant, il était éphémère. Une fois le vent retombé, le petit bout de feuille s’est retrouvé parmi d’autres de ses congénères en train de composter, tandis que le vieux bout d’affiche allait s’entraver dans une toile d’araignée. C’est peut-être cette brièveté qui rendait la chose si belle. Finalement, n’est-ce pas cela que l’art de la scène : un instant éclairé sous les feux de la rampe, suivi d’une destruction rapide de l’œuvre qui ne subsistera que dans les mémoires.
(texte : Olivier, photo : Anne)

vendredi 29 mai 2009

DECHIRURE


( photo : Raymond)



jeudi 28 mai 2009

RUCHE OU QUAND JE DANSE LA CUISINE DU QUOTIDIEN



Je me suis levée,
Je me suis étirée et rafraîchie
J'ai salué, cajolé et embrassé
j'ai souri, ri, dressé et trié
J'ai catégorisé, entaillé, préparé, dosé et serré
Je me suis pliée, relevée, retournée et agenouillée
J'ai libéré, enlacé et provoqué
J'ai lavé, rincé et séchéJ'ai nettoyé et fait briller
J'ai frotté
J'ai lustré et taquiné
J'ai humé, observé et attendu
J'ai retiré, j'ai posé, j'ai haché et rempli
J'ai décoré, collé, pigmenté, joué et étalé
J'ai dessiné
J'ai braisé et dépoussiéré
J'ai coupé
j'ai foulé
J'ai cousu
j'ai aiguisé
j'ai ouvert, fermé et entrouvert
j'ai allumé
J'ai flambé
J'ai enflammé
J'ai arrosé et éteint
J'ai encensé, consumé et soufflé
j'ai couru, ralenti, soupesé et tapoté
J'ai dosé, enfourné, mijoté, saisi et fondu
J'ai éclairé épicé, sali et salé
J'ai poivré, étreint et rôti
J'ai affiné et goûté
J'ai dégusté
J'ai infusé et liquéfié
J'ai dilué, concentré et composé
J'ai disposé, admiré, frigorifié et désossé
J'ai sué, émietté, tranché, gelé et huilé
j'ai étalé, pianoté et doré
j'ai rougi et accueilli
J'ai débarrassé
j'ai donné et saisi
J'ai empoigné, décanté et volé
J'ai servi, ébouillanté, fleuri et enfumé
J'ai pincé, léché, croqué, lissé et cranté
J'ai palpé, roulé, secoué et trempé
J'ai égrené, râpé et éternué
j'ai roulé et saupoudré...
(texte et photo : Anne)

mercredi 27 mai 2009

QUAI


15h30 aujourd'hui, pas Charleroi...Liège, je longe le quai de la Dérivation et m'arrête devant le n°40...et me surprendre à observer l'espace de quelques minutes la dé-marche d'un passant...Il marchait si lentement, il ne dansait pas, a priori, la danse était comme au "dedans". Il me laissa deviner, pressentir sa danse "dehors" par quelques gestes infiniment saisissables ...
(texte et photo : Anne)

lundi 25 mai 2009

PHRASES CROQUEES


"Etre ici, cela nous rend beaux...je trouve que chacun est beau..."

"Je suis venu pour danser et Flavia me dit de ne pas danser..."

"Ici, il y a place pour chacun...la différence est vécue comme richesse..."

"J'apprends que marcher c'est déjà danser..."

"J'ai mal aujourd'hui mais je viens quand même car les autres comptent sur moi..."

"Eh, y en a marre...un peu de rangement sur les tables ne ferait pas de tort...c'est pas compliqué de jeter ses gobelets..."

"On fait le table..."

"Et yooooooooooooooo...on relève les bras !"

"La photo que je prendrai de toi sera un gros plan..."

"Mes amies m'ont dit : mais tu ne tiendras pas le coup à ton âge...tu en fais trop..."

"L'avenir de Charleroi...nous y croyons..."

"Super...j'avais presque oublié de jouer et de prendre du plaisir dans le jeu..."
(texte : le collectif, photo : Anne)

SOCLE


Pour le cœur de chacun de vous.

C’était un matin il y a trois jours…peut-être plus, je ne sais plus ! Qu’importe !

C’était un matin comme tous les matins, enfin je le croyais. Je me baladais la tête dans les nuages parmi ces volutes blanches qui vont, qui courent au rythme d’Eole qui ce jour-là me semblait bien agité …

Il couvait comme une frénésie euphorique comme si le ciel ne savait plus à quel saint se vouer. Je regardais aux travers de ces trouées laissées çà et là un soleil éclatant ruisselant sur mon visage comme une main tendre chaude et douce qui dessinait chaque contour de celui-ci et cela m’emportait plus loin encore et encore. Je me suis assis au bord d’un banc pour prendre cet instant avec force et volupté pour qu’il puisse m’envahir et me bousculer. Tout tournait dans ma tête, des images, des sentiments. Mon cœur battait et battait, s’arrêtait parfois sur des flashs d’une grande intensité.

Il est vrai que je dois vous confier mon dernier reportage, celui qui a brûlé en moi la moindre parcelle de tout ce qui m’était cartésien…C’était torride, fou, brûlant, évanescent, chaud, doux, nerveux, éblouissant ! Comme un éclair qui transperce mon être de part en part en explosant juste à l’endroit où la vie se rythme au plus profond du cœur. Oui, je dois vous raconter cet événement hors du commun.

J’étais envoyé par l’agence pour prendre quelques clichés de l’élection de Miss Belgique. Une miss, une de plus, me suis-je dit, alors que j’en croise tant dans la rue, sans titre ni gloire apparente. Et flûte, si au moins j’avais eu un autre sujet, j’en aurais tiré davantage de plaisir…Où cela dans Charleroi ? J’ai questionné et j’ai vu sur la place du Manège une étrange structure colorée, lumineuse et délicieusement sonore. Je me suis laissé emporter dans ses couleurs, son rythme, ses sons envoûtants, volatiles, fugaces, émouvants. Je croyais rêver. Soudain les gens s’agitaient, couraient, à gauche, à droite. Des groupes se formaient et deux et trois et vingt et tous les chuchotements devenaient comme un souffle puissant d’où émergeait une question : « elle est là ? ». Oui là, mais de qui parlait-on ? Je me suis faufilé, serré, porté par un public de plus en plus compact, comme dans un banc de poissons, courant à gauche, à droite, là, puis là, et toujours ce « elle est là ?!» au centre de Charleroi, oui !

J’ai déposé furtivement ma main sur le premier d’entre eux et, le regardant fixement dans les yeux, je lui ai demandé : « mais qui est là ». Son regard épanoui, brûlant, presque fiévreux, m’a répondu : « la Miss bien sûr ! ». La Miss ! Mais qui était-elle pour avoir de la sorte bousculé tant de gens ? Plus rien n’était en ordre, tout se disloquait et courait, coulant comme une rivière sauvage avec ses bousculades, ses remous, ses passages coincés. Je me suis laissé emporter par ce mouvement ruisselant et chahuté. Au bout de cette descente façon « rafting » des rues et boulevards, j’ai vu au loin une foule immense, compacte, une marrée humaine. Tout s’empilait, se bousculait, sautait, trépidait et on n’entendait qu’un son unique, un cri : « Wow …waw .oh…. ». Tous avaient les yeux levés vers le ciel, le doigt pointé là entre les nuages tourbillonnant et le soleil. Je devinais dans cette moite marée humaine, dans ce brouillard, un hélicoptère juste au rond point du Marsupilami.

Doucement ! Il descendait doucement, en glissant avec grâce, soulevant tout avec lui par son souffle généreux et puissant. Non je ne rêvais pas. Elle arrivait notre Miss. Ensuite, ce souffle énorme a fait vaciller le Marsupilami qui en avait le tournis et ne savait s’il devait s’accrocher au socle ou s’élever. Finalement, dans un grand mouvement, il bascula et roula sur le gazon, pour laisser place à l’hélicoptère qui s’approchait, s’approchait juste au bord du socle. Je me croyais au milieu d’une tornade, dans un formidable bruit d’hélices....

La porte s’est ouverte, un escalier s’est glissé jusqu’au bord du socle. La voilà qui descendait une marche à la fois et, du bout des pieds, elle imprimait chaque marche avec grâce, assurance et volupté. L’hélicoptère est reparti dans le ciel nous laissant là bouche bée devant tant de contours doux, délicats et merveilleusement souriants.

Nous regardions se déposer chacun de ses pas sur les marches. Elle était là, sur le socle, les mains dans les cheveux. Nous glissions avec elle entre la soie de ses mèches légères ondulant au rythme de notre respiration. Notre regard suivait ces mains délicates descendant en dessinant un cœur sur son visage rose. Comme une fleur qui vient d’éclore elle avait cette petite touche telle une cerise ouverte aux baisers, à la gourmandise de chacun. Des lèvres ouvertes avec un sourire calme et si sensuel qu’il captait tout les regards médusés. Elle réajusta un petit bouquet de fleurs accrochées dans la vague de ses cheveux. Elle semblait parfumer tout l’air que nous respirions et nous laissait glisser jusqu’à ses yeux vert brillant venant éclairer de son éclat un sourire encore plus offert. Tout était volupté et amour comme on en rêve, rien que douceur, un paradis au milieu de nous. Dans un calme absolu d’admiration, elle a tourné doucement sur elle-même pour ravir chacun de nous. Le voile de sa robe ondulait gracieusement, ruisselant comme une douce vague sur la plage de son corps, laissant découvrir de généreuses formes épanouies. Nos yeux glissaient sur une vague, nous surfions sur son être jusqu’à plus soif ! Lentement elle a porté ses deux mains comme un calice jusqu’à ses lèvres cerise, les a couvert d’un baiser puis, dans un geste d’envol, a déposé sur tous des millions de baisers. Une véritable pluie de roses nous laissait figés dans un au-delà que nous ne pouvions comprendre et qui nous dépassait. Je me suis ressaisi et ai pris mon appareil photo pour garder et offrir au monde ces images vous enveloppant dans son intime douceur d’amour et de sourire. J’avais peur que le déclenchement de l’obturateur ne réveille la foule immobile emportée dans un autre monde, loin là-bas du côté du cœur où rien ne résiste, ni la rigueur, ni les sexes, ni la couleur, ni les jugements, tout enveloppé de compréhension universelle, de respect de chacun, de partage. Je me suis laissé dire qu’elle aimait danser et qu’elle avait le privilège de faire partie de Charleroi Danse dans un projet de « danse du quotidien ».

Vous ne pourrez pas la trouver car, là-bas, tous, hommes comme femmes, se ressemblent puisque cette beauté vient du centre de l’être, là ou se trouve le cœur qui rythme chacun d’eux.
Puis à nouveau un léger bruissement de pale se rapprochait encore et encore, une plénitude a fait vibrer chacun de nous pour nous réveiller en douceur. Au travers du nuage, dans le frissonnement de sa robe, elle a repris son envol, nous laissant paisiblement retrouver et redécouvrir notre corps avec d’autres yeux, un nouveau regard. Tous les regards se croisaient, les yeux se fixaient, brillaient de mille feux. Les sourires éclairaient les visages et tous ces éclats se réunissaient pour nous couvrir d’une coupole arc -en -ciel.

La beauté, c’est l’amour de l’un vers l’autre, d’un cœur à l’autre. Il n’a ni âge, ni jugement, ni sexe. Il vole libre comme le vent, vient déposer au creux de votre oreille des mots insensés qui vous réchauffent et vous disent : « tu es important pour moi et que serais-je sans toi? »
C’était un matin, il y a trois jours…peut-être plus, je ne sais plus !

Mon cœur en sera gravé à jamais.
(texte : Jean-Jacques, photo : Anne)

dimanche 24 mai 2009

LA DANSE DU QUOTIDIEN



La danse du quotidien, ce n’est pas danser son quotidien, c’est se rendre compte qu’on danse au quotidien, sans même s’en apercevoir. C’est sortir de la danse pour y mieux rentrer. C’est décomposer le mouvement anodin, lui rendre sa rapidité ou sa lenteur, accentuer un détail ou un mouvement, lui redonner sa spécificité, son interprétation.

La danse du quotidien, c’est dire que tous nous sommes artistes : n’est-ce pas ça qu’être humain ? La marche seule n’est pas une danse, mais si l’on y rajoute une intention, une empreinte d’émotion, l’art est là, il ne faut pas chercher plus loin.

La danse du quotidien, c’est de l’expression spontanée, sans réelle technique. C’est le mouvement sans réflexion, la joie simple des corps en mouvement, la fête du geste, l’étude des torsions.

La danse du quotidien, c’est le ré-enchantement d’un monde qu’on avait pris l’habitude de regarder sans voir. C’est s’émerveiller de la multitude disparate que forme une ville, sans même se soucier d'autres points communs : seul le lieu rassemble, il est l’intérêt du travail.

La danse du quotidien, c’est l’histoire de rencontres à tout point surprenantes : celle de son corps, celle de l’autre, celle de soi, celle du groupe, celle de la ville, celle de la scène enfin. Aucunement anodines, elles présagent une amitié retrouvée : Charleroi a taille humaine !

La danse du quotidien, c’est apprendre à donner et à recevoir, à échanger en somme. C’est plein d’amitiés. C’est une petite histoire qui n’est partie de rien et qui arrivera on ne sait où ... C’est dire que les moyens ne sont pas toujours justifiés par une fin."
(texte : Olivier, photo : Anne)

vendredi 22 mai 2009

HANCHES (flash-back)

Vous avez dit hanches, comment ? Anges langes venge mange vente lente pente penche flanche lance anse pense...ou commencer par les mains. Tu prends contact avec ton corps par la terre. Ton cerveau est démuni...Tu pars à la découverte de tes os...quelques uns...les premiers...ce qui te construit dans ta chair. Toi, seul...te représenter et sculpter ton bassin, le tien...curieux voyage au centre de ton être qui te porte au quotidien...Entre oeufs sur le plat, grains verticaux, anneaux, cornes, papillons et coeurs...nous voyageons entre nos bassins...loin de la réalité de notre ami squelette en voie de reconstitution pour l'occasion...Tu découvres qu'il y a mouvement dans la matière qui, chaque jour, te charpente. Tu savais le dur vivant, mais, tu apprends que le déplacement ou le changement de position s'inscrit dans chacune de tes cellules. Tu te révèles la puissance de la vie au plus profond de ton corps charnel.
(texte et photo : Anne)