lundi 25 mai 2009

SOCLE


Pour le cœur de chacun de vous.

C’était un matin il y a trois jours…peut-être plus, je ne sais plus ! Qu’importe !

C’était un matin comme tous les matins, enfin je le croyais. Je me baladais la tête dans les nuages parmi ces volutes blanches qui vont, qui courent au rythme d’Eole qui ce jour-là me semblait bien agité …

Il couvait comme une frénésie euphorique comme si le ciel ne savait plus à quel saint se vouer. Je regardais aux travers de ces trouées laissées çà et là un soleil éclatant ruisselant sur mon visage comme une main tendre chaude et douce qui dessinait chaque contour de celui-ci et cela m’emportait plus loin encore et encore. Je me suis assis au bord d’un banc pour prendre cet instant avec force et volupté pour qu’il puisse m’envahir et me bousculer. Tout tournait dans ma tête, des images, des sentiments. Mon cœur battait et battait, s’arrêtait parfois sur des flashs d’une grande intensité.

Il est vrai que je dois vous confier mon dernier reportage, celui qui a brûlé en moi la moindre parcelle de tout ce qui m’était cartésien…C’était torride, fou, brûlant, évanescent, chaud, doux, nerveux, éblouissant ! Comme un éclair qui transperce mon être de part en part en explosant juste à l’endroit où la vie se rythme au plus profond du cœur. Oui, je dois vous raconter cet événement hors du commun.

J’étais envoyé par l’agence pour prendre quelques clichés de l’élection de Miss Belgique. Une miss, une de plus, me suis-je dit, alors que j’en croise tant dans la rue, sans titre ni gloire apparente. Et flûte, si au moins j’avais eu un autre sujet, j’en aurais tiré davantage de plaisir…Où cela dans Charleroi ? J’ai questionné et j’ai vu sur la place du Manège une étrange structure colorée, lumineuse et délicieusement sonore. Je me suis laissé emporter dans ses couleurs, son rythme, ses sons envoûtants, volatiles, fugaces, émouvants. Je croyais rêver. Soudain les gens s’agitaient, couraient, à gauche, à droite. Des groupes se formaient et deux et trois et vingt et tous les chuchotements devenaient comme un souffle puissant d’où émergeait une question : « elle est là ? ». Oui là, mais de qui parlait-on ? Je me suis faufilé, serré, porté par un public de plus en plus compact, comme dans un banc de poissons, courant à gauche, à droite, là, puis là, et toujours ce « elle est là ?!» au centre de Charleroi, oui !

J’ai déposé furtivement ma main sur le premier d’entre eux et, le regardant fixement dans les yeux, je lui ai demandé : « mais qui est là ». Son regard épanoui, brûlant, presque fiévreux, m’a répondu : « la Miss bien sûr ! ». La Miss ! Mais qui était-elle pour avoir de la sorte bousculé tant de gens ? Plus rien n’était en ordre, tout se disloquait et courait, coulant comme une rivière sauvage avec ses bousculades, ses remous, ses passages coincés. Je me suis laissé emporter par ce mouvement ruisselant et chahuté. Au bout de cette descente façon « rafting » des rues et boulevards, j’ai vu au loin une foule immense, compacte, une marrée humaine. Tout s’empilait, se bousculait, sautait, trépidait et on n’entendait qu’un son unique, un cri : « Wow …waw .oh…. ». Tous avaient les yeux levés vers le ciel, le doigt pointé là entre les nuages tourbillonnant et le soleil. Je devinais dans cette moite marée humaine, dans ce brouillard, un hélicoptère juste au rond point du Marsupilami.

Doucement ! Il descendait doucement, en glissant avec grâce, soulevant tout avec lui par son souffle généreux et puissant. Non je ne rêvais pas. Elle arrivait notre Miss. Ensuite, ce souffle énorme a fait vaciller le Marsupilami qui en avait le tournis et ne savait s’il devait s’accrocher au socle ou s’élever. Finalement, dans un grand mouvement, il bascula et roula sur le gazon, pour laisser place à l’hélicoptère qui s’approchait, s’approchait juste au bord du socle. Je me croyais au milieu d’une tornade, dans un formidable bruit d’hélices....

La porte s’est ouverte, un escalier s’est glissé jusqu’au bord du socle. La voilà qui descendait une marche à la fois et, du bout des pieds, elle imprimait chaque marche avec grâce, assurance et volupté. L’hélicoptère est reparti dans le ciel nous laissant là bouche bée devant tant de contours doux, délicats et merveilleusement souriants.

Nous regardions se déposer chacun de ses pas sur les marches. Elle était là, sur le socle, les mains dans les cheveux. Nous glissions avec elle entre la soie de ses mèches légères ondulant au rythme de notre respiration. Notre regard suivait ces mains délicates descendant en dessinant un cœur sur son visage rose. Comme une fleur qui vient d’éclore elle avait cette petite touche telle une cerise ouverte aux baisers, à la gourmandise de chacun. Des lèvres ouvertes avec un sourire calme et si sensuel qu’il captait tout les regards médusés. Elle réajusta un petit bouquet de fleurs accrochées dans la vague de ses cheveux. Elle semblait parfumer tout l’air que nous respirions et nous laissait glisser jusqu’à ses yeux vert brillant venant éclairer de son éclat un sourire encore plus offert. Tout était volupté et amour comme on en rêve, rien que douceur, un paradis au milieu de nous. Dans un calme absolu d’admiration, elle a tourné doucement sur elle-même pour ravir chacun de nous. Le voile de sa robe ondulait gracieusement, ruisselant comme une douce vague sur la plage de son corps, laissant découvrir de généreuses formes épanouies. Nos yeux glissaient sur une vague, nous surfions sur son être jusqu’à plus soif ! Lentement elle a porté ses deux mains comme un calice jusqu’à ses lèvres cerise, les a couvert d’un baiser puis, dans un geste d’envol, a déposé sur tous des millions de baisers. Une véritable pluie de roses nous laissait figés dans un au-delà que nous ne pouvions comprendre et qui nous dépassait. Je me suis ressaisi et ai pris mon appareil photo pour garder et offrir au monde ces images vous enveloppant dans son intime douceur d’amour et de sourire. J’avais peur que le déclenchement de l’obturateur ne réveille la foule immobile emportée dans un autre monde, loin là-bas du côté du cœur où rien ne résiste, ni la rigueur, ni les sexes, ni la couleur, ni les jugements, tout enveloppé de compréhension universelle, de respect de chacun, de partage. Je me suis laissé dire qu’elle aimait danser et qu’elle avait le privilège de faire partie de Charleroi Danse dans un projet de « danse du quotidien ».

Vous ne pourrez pas la trouver car, là-bas, tous, hommes comme femmes, se ressemblent puisque cette beauté vient du centre de l’être, là ou se trouve le cœur qui rythme chacun d’eux.
Puis à nouveau un léger bruissement de pale se rapprochait encore et encore, une plénitude a fait vibrer chacun de nous pour nous réveiller en douceur. Au travers du nuage, dans le frissonnement de sa robe, elle a repris son envol, nous laissant paisiblement retrouver et redécouvrir notre corps avec d’autres yeux, un nouveau regard. Tous les regards se croisaient, les yeux se fixaient, brillaient de mille feux. Les sourires éclairaient les visages et tous ces éclats se réunissaient pour nous couvrir d’une coupole arc -en -ciel.

La beauté, c’est l’amour de l’un vers l’autre, d’un cœur à l’autre. Il n’a ni âge, ni jugement, ni sexe. Il vole libre comme le vent, vient déposer au creux de votre oreille des mots insensés qui vous réchauffent et vous disent : « tu es important pour moi et que serais-je sans toi? »
C’était un matin, il y a trois jours…peut-être plus, je ne sais plus !

Mon cœur en sera gravé à jamais.
(texte : Jean-Jacques, photo : Anne)

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